09 mars 2006

40. LA PROMENADE

W.R. – Aujourd’hui, tu le sais, nous allons nous promener !
M.H. – Je ne l’ai pas oublié. Cela fait une éternité que je n’ai pas fait une chose pareille.
W.R. –Si nous sortons, je vais emporter « Le Petit philosophe de poche » de Gabriel Pomerand dans la reliure-promenade de RS.
M.H. – Je ne crois pas que cela se justifie, mais sur un certain plan ça s’impose, au moins, si l’on ne confond pas la succession cause-effet avec la succession moyen-fin. D'ailleurs, ce projet n’est pas sans me rappeler les « Œuvres déambulatoires » et les « Peintures promenades » que cet artiste proposait en 1966. 
W.R. – Se promener, ce n’est pas aussi simple qu’on le croit. C’est très difficile ! tu sais que nous ne pouvons pas nous promener n’importe comment. Par exemple, il n’est pas question de nous déplacer comme un marxiste qui pense que tout ce qui se dévoile à ses yeux serait le résultat de la lutte des classes.
W.R. – Et considérer que tout ce que nous rencontrerons de défectueux serait la conséquence regrettable de conflits entre le patronat et le prolétariat.
M.H. – Cela est ridicule. Il ne faut pas, non plus, accomplir nos pas comme des structuralismes qui s’aveuglent sur des structures superficielles et arbitraires
W.R. – Ni comme des sociologues qui privilégient les seuls faits constitués.
M.H. – Naturellement, nous ne pouvons pas non plus marcher comme des néo-dadaïstes crétins et plagiaires qui signent leur marche en elle-même, comme une œuvre d’appropriation pareille à un ready-made.
W.R. – De la même manière, notre promenade ne peut avoir le sens de la « dérive » des situationnistes agressifs et réactionnaires qui croient à la mort de l’art.
M.H. – Évidemment, nous devons déambuler comme des amateurs assurés et tranquilles de l’avant-garde authentique qui savent que tous leurs pas réalisés dans le cadre de cette promenade incarnent dans la dimension de l’imaginaire des formes d’une œuvre infinitésimale.

















Roland Sabatier. Peinture-promenade (détail), 1966