16 mars 2006

43. AMELIORATION OU PRESENTATION?

W.R. – Lorsque tu te maquilles, as-tu déjà pensé si, ce faisant, tu fais ça pour t’améliorer ou pour te présenter ?
M.H. – Quand je porte un vêtement, c’est pour me présenter, mais, ce vêtement, je fais en sorte qu’il m’aille bien, qu’il me mette en valeur et, en un mot, qu’il m’améliore.
W.R. – Donc, une fois maquillée, tu te représentes, à la fois, comme améliorée et comme présentable. Mais, jamais tu ne te dis que tu pratiques une opération ayant pour but de modifier ton aspect.
M.H. – Sans doute, oui ! mais il y a bien longtemps que je ne me suis plus posée cette question.
W.R. – Pourtant, tu te dénatures, tu fais un faux de toi !. Que tu le veuilles ou non, tu donnes à percevoir ce qui n’est pas, comme quand on porte un masque. C’est une falsification !
M.H. – Se maquiller, ce n’est pas se masquer, mais, d’une certaine manière c’est autant une mascarade.
W.R. – En fait, ce que tu maquilles, c’est la vérité.
M.H. – Oui, mais après un certain temps on s’habitue. Moi-même, je m’identifie à ce que je montre, non pas de la vérité, mais bien de la vérité sous laquelle, avec ce maquillage, j’ai décidé de me donner à voir. A la longue, à une vérité connue, se substitue une nouvelle, une autre vérité.
W.R. – Et, tout ce mic-mac, les autres, ils l’acceptent sans broncher.
M.H. – Bien sûr, ne crois-tu pas qu’eux-mêmes agissent pareillement ?
W.R. – Tu veux dire, finalement, que la vérité, c’est nous qui la produisons et c’est pourquoi « je » est toujours un autre. En-soi, c’est ça ?
M.H. – Non, pas en-soi, pour-soi, sinon ce serait la vérité portée en-l’autre. Or, cette vérité-là ne s’acquiert qu’à l’issue d’une super-propagation qui l’impose, durablement, au-dessus de toute autre.
W.R. – Et pour les faits, c’est sans doute la même chose.
M.H.- Certainement, à la différence près qu’ils ne sont faits-de-vérité que jusqu’à la preuve du contraire.
W.R. - Je vois, « je » est bien un autre. C’est ce que je voulais vérifier.


Roland Sabatier. Les Visiteuses (1992)