22 mars 2006

45. LE CABINET DE LECTURE

M.H. – Cet endroit a été conçu par la mission RS, il n’est pas encore très fréquenté.
W.R. – C’est très solennel et fait penser à un tabernaculum, une sorte de lieu provisoire où un certain nombre de choses sont conservées, en attente, protégées dans le dessein d’être appropriées pour servir à des buts différents destinés à se passer ailleurs.
M.H. – C’est effectivement très complexe. Cette salle incarne la bibliothèque des temps futurs. Par l’assimilation généralisée de la créativité et, en dehors des textes essentiels des novateurs de l’histoire de l’humanité, elle est destinée a perpétuer la prose et le roman sous de nouvelles formes. 
W.R. – Je comprends. Cette réduction culturelle au meilleur s’effectuant, naturellement, au détriment de la masse considérable d’ouvrages inutiles des imitateurs et des escrocs intellectuels que nous connaissons encore. A leur place, et en complément des ouvrages quintessenciels, ce Cabinet de lecture présente les livres virtuels, mentaux ou imaginaires.
M.H. – c’est bien cela, mais comment s’y prend-on pour lire ces livres que l’on ne voit pas ?
W.R. - Pratiquement, dès leur entrée les lecteurs remplissent une fiche de lecture sur laquelle ils indiquent les caractéristiques des ouvrages imaginaires qu’ils souhaitent consulter. Tu vois, sur le mur à gauche, toutes ces fiches sont rassemblées pour attester de l’authenticité de l’enregistrement et de la consultation des ouvrages.
W.R. – C’est donc ainsi que s’est constitué, petit à petit, le fichier Universel de la Littérature Imaginaire. Allons nous-mêmes le consulter ! Qu’en penses-tu ?
M.H. - Nous sommes les héroïnes récurrentes d’une histoire du futur donnée sur le mode du dialogue platonicien.
W.R. - Pourquoi dis-tu cela ?
M.H. - Mais, ce n’est pas moi, c ‘est l’auteur qui est derrière moi. Lui, il doit savoir pourquoi.


Roland Sabatier. « Le Cabinet de lecture (1973-1992) ». Installation à la Galerie de Paris en 1993.