W.R. - Penses-tu que Grand Créateur Super-Bénéfique habite ici ?
M.H. - Non, il n'est que de passage.
W.R. – Nous devons prendre l’escalier, par là, à gauche, et monter jusqu’au palier TD6, je crois...
M.H. – Chaque degré de cette montée s’impose à moi comme la métaphore de la souffrance de l’artiste au cours de sa progression dans la société à travers les escrocs, les sceptiques et les imbéciles.
W.R. – J’ai le même sentiment, c’est une manière de chemin de croix moderne, et, en plus, je viens d’entrevoir une exo-image menaçante qui se profilait sur ma droite...
M.H. – Voici la porte. C’est celle sur laquelle il est écrit « Bureau de klado-vigilance ».
GCS-B. – Je vous attendais ! Vous êtes les Visiteuses ! Les services de la CIAL m’ont averti de votre venue. Entrez ! Je sais que vous arrivez de très loin, aussi, vais-je faire vite pour que ni vous ni moi ne perdions du temps.
W.R. – Nous av...
GCS-B -... le “théologique” signifie “éternité” et vaut pour une allusion à l’inconnu, à un mystère. Le religieux vient là où les explications manquent. Or, La Créatique, comme méthode de création, permet d’apporter les explications, de trouver du nouveau, mais, également, de fouiller tout ce qui existe, de remonter jusqu’à la création première, jusqu’au “Big-bang”, pour reconstituer les différents moments de l’invention et de la découverte de l’humanité. Je pense qu’il faut aller du “Big-bang” à la Société Paradisiaque. André Breton n’a pas compris ce but quand, un jour, il m’a reproché d’écrire comme Dali. Il pensait que je me prenais pour le Messie. Mais, chez Dali, même le banal était écrit à la troisième personne, alors que chez moi, seule l’expression de ma dimension éternelle s’exprimait de cette manière. Tous les créateurs ont été considérés comme des mégalomanes avant que leurs apports ne soient compris. On m’a également accusé de me définir comme le fils de Dieu ou comme le Messie, alors que je n’ai jamais écrit cela. Je ne peux pas passer mon temps à me défendre et à m’expliquer sur tout...
... J’ai toujours eu l’impression qu’avec le temps cette perception de moi-même s’effacera derrière mon apport immense que l’on considérera seul. Comme tous les individus, je me croyais immortel et je me disais que j’avais toujours le temps de rédiger La Créatique dans le but d’en divulguer son contenu au public. Avec cette méthode, il me semblait que les gens pourraient monter plus haut et plus rapidement, vers l’image qui est la mienne d’une société meilleure, plus exaltante et plus riche que celle que nous connaissons. Mais les événements ont empêché cette réalisation. C’est seulement en 1974, quand je me suis découvert vieux, lorsque j’ai vu mon mère puis mon père disparaître, que je me suis décidé à revoir toutes les notes accumulées depuis ma jeunesse pour les classer et commencer la rédaction de cet ouvrage monumental de plus de 5000 pages. Je l’ai achevé en 1976, il me semble. Quelques exemplaires photocopiés circulent, mais, aujourd’hui encore, cette somme de 9 volumes n’a pas été publiée. Maintenant, il reste encore tant à accomplir: en médecine, dans le social, dans les arts, dans tous les domaines finalement. Je ne pourrai pas tout faire. Au-delà de tout ce qui nous manque, je vois la Société Paradisiaque qui représente le but auquel nous conduiront toutes les créations surgies, à travers toutes les disciplines, depuis le début de l’humanité. En attendant, nous devons encore lutter, car chaque création nous rapproche un peu plus de ce savoir absolu qui caractérisera ce futur. Voilà, je pense avoir répondu à toutes vos préoccupations et j’espère que vous lutterez pour cet avenir meilleur ! Merci-au revoir-à bientôt !
M.H. et W.R. – Merci-au revoir-à bientôt.
M.H.- (dans l’escalier) – Chaque degré de cette descente est le symbole du retour à quelques images simples.
W.R. – Je le pense aussi, ce qui, en soi, est une manière de déplétion. Tiens, c’est à mon tour d’entendre quelque chose ! Je crois qu’il s’agit cette fois d’un hypo-son, à moins que ce ne soit qu’un simple caco-son fragmentariste entr’entendu. Et Grand Créateur Super-Bénéfique , comment l’as-tu trouvé ?
M.H. – Sa vision de dieu et du futur est de l’ordre d’un « pas-encore » auquel il ajoute un « en-attendant ».
W.R. C’est ça être en sur-normale constante.
Les réponses de GCS-B, formulées par Isidore Isou, sont extraites de l’entretien d’Isidore Isou et de Roland Sabatier paru en postface de « Précisions sur ma poésie et moi » (Exils Editeur, Paris 2003). L’ouvrage « La Créatique ou la Novatique », auquel il est fait allusion, est paru depuis aux Editions Al Dante.