02 février 2007




Roland Sabatier
PLATON DISPERSE
Chapitre 5


LES VISITEUSES: VU DU LETTRISME
Site Roland Sabatier Lettrisme
© reproduction non autorisée sans l'accord des auteurs : Anne-Catherine Caron & Roland Sabatier

12 août 2006

50. LA VIE APRES LA MISSION

W.R. – Récemment, nous avons été amenées à évoquer Marx, Lénine et Rosa Luxenburg...
M.H. – J’en ai, effectivement, conservé le souvenir...
W.R. – Alors, j’ai réfléchi et toutes mes connaissances me conduisent aujourd’hui à penser que l’important, ce n’est pas l’accumulation du capital, mais bien l’accumulation des inventions et des découvertes.
W.R. – Que ferons-nous quand nous aurons terminé notre mission ?
M.H. – Nous vivrons normalement, comme dans les films des frères Lumière ou de Reynaud.
W.R. – Et ensuite....
M.H. – Nous rirons comme dans les films de Chaplin ou de Max Linder.
W.R. – Et après,
M.H. – Nous souffrirons comme dans les films expressionnistes de Fritz Lang, de Murnau ou d’Éric Von Stroheim.
W.H. – Et puis..
M.H. – Nous aimerons comme dans les films sensuels de Pabst. Mais, peut-être réfléchirons-nous comme dans les films psychologiques d’Epstein et de Dulac, ou bien, nous irons tout simplement à la campagne comme dans les films de Dovjenko
W.R. – Bien sûr, mais après !
M.H. – Nous ferons n’importe quoi comme dans les films dadaïstes de René Clair ou de Man Ray. 
W.R. – Je n’aime pas faire n’importe quoi !
M.H. – Alors, nous nous ferons attaquer par des Indiens comme dans les films de Lauwrence B. MacGill. 
W.R. – Quelle horreur ! comme disait Jean Cocteau
M.H. – Dans ce cas, nous aurons peur comme dans les films de Feuillade. Mais nous pourrons aussi voyager comme dans les films de Flaherty, ou encore rêver comme dans les films de Bunuel et de Cocteau.
W.R.- Et encore...
M.H. - Nous dissocierons nos gestes et nos paroles comme dans les films discrépants d’Isidore Isou.
W.R. – Et puis...
M.H. – Nous ferons la révolution comme dans les œuvres révolutionnaires de Dziga Vertov ou d’Eisenstein... Nous ferons l’amour comme dans les films de Pérou et Léar... Nous poursuivrons les voleurs comme dans les premiers films policiers de Zecca. Nous chanterons comme dans les comédies musicales de Alan Crosland et de Ernest Lubitch... Nous nous perdrons dans la mystique comme dans les films de Carl Dreyer…
W.R. – Ce sera bien, mais j’espère que l’on ne nous tuera pas comme dans les films policiers de Porter ou de Howard Hawks!
















Roland Sabatier." Repères filmiques orthonormés (aux réminiscences anti-contournées) suggérant ensemble vers quoi se diriger" (Détail) 1994

22 mai 2006

49. HYLAS ET PHILONOUS DISSOUS DANS LE COMPLETISME.

W.R. - La dernière fois je t’ai parlé des touristes que j’ai accompagnés de Platon jusqu’à Bénabar. Eh bien, je viens d’apprendre par les autorités qu’ils n’ont finalement pas pu effectuer le retour et qu’ils se sont perdus en chemin.
M.H. – Comment cela est-il possible ? Tu m’as pourtant bien dit leur avoir confié une carte de la culture.
W.R. – Cela est vrai, mais cette carte leur a été volée et, aux dernières nouvelles, après avoir rodé vers Derrida, où ils se sont déconstruits, ils seraient vers Debord où on imagine aisément qu’ils seront rapidement anéantis.
M.H.. – Quelle horreur, comme disait Cocteau. Je vois, on peut les considérer comme définitivement perdus. Ils vont mourir avec le situationniste alors qu’ils auraient pu vivre avec le lettrisme.
M.H. – J’ai eu moi-même, à plusieurs reprises, l’occasion de constater que, très souvent, les gens ne savent pas dans quelles directions chercher.
W.R. – Oui, c’est bien cela ! On dirait que la route leur manque.
M.H. – Ces gens foncent en avant, tête baissée, pour, à la fin, se fracasser contre le mur du savoir qui a été construit par ceux qui ne veulent rien savoir, sauf que ça se sache.
W.R. – Ce savoir qui ferait mur à force de l’accumulation des connaissances ne tient debout qu’à cause de la croyance dans sa réalité. Dans les faits, c’est en tant que ce mur est constitué, à la fois, de savoir et d’ignorance qu’il semble infranchissable ! 
M.H. – En fait, à bien y réfléchir, le véritable mur, si mur il y a, c’est le mur du non-su. 
M.H. – Ou du mal-su. C‘est sur ce savoir-là que les gens butent, car le savoir multiplicateur, lui, ne cessera jamais d’être en expansion constante.
W.R. – (en riant) Ce qu’il faudrait, c’est la kladologie.
M.H. – (en riant) Oui, oui, la kladologie et la carte de la culture !
W.R. – (en riant) Ah ! Ah !. Parce que, comme tu le sais, si c’est bien d’après la route que l’on fait la carte, c’est d’après la carte que l’on construit son itinéraire !
M.H. - La carte fait la route juste!
M.H. – Je ne peux nier que nous rions, mais que l’on ne croit pas que nous nous moquons.
W.R.- Je ris en pensant que personne ne va rien comprendre à ce que nous disons.
M.H. – Nous, nous n’avons pas le temps d’expliquer, nous sommes là juste pour faire des vagues. S’ils veulent comprendre, qu’ils aillent sur Cahiers de l'Externité où ils trouveront les explications et les analyses les plus avancées sur tous ces points et sur les autres. Quant à nous, laissons-les à leurs dialogues dépassés d’Hylas et de Philonous et retournons dans la justesse appropriée du Complétisme pour poursuive notre mission.
W.R. – J’ai retrouvé une autre photo de l’exposition dont je t’ai parlé la dernière fois. Je te la montre, personne ne comprendra mais ça fera discrépance avec notre histoire de route. 




























Roland Sabatier. "Oeuvres pour chiens" (vue partielle de l'exposition à la galerie Artcade en 1991)

14 mai 2006

48. MOUVEMENTS PARALLELES AVEC CHIENS POUR FIN.

M.H. – Te voilà, cela fait plus d’un mois que je n’ai plus de nouvelles de toi. Où étais-tu passée ?
W.R. – Ailleurs ! Je n’étais plus dans le temps terrestre, mais dans celui, immensément concentré et en même temps élargi, du super-temps-excoordiste qui m’a conduite sur la route, sur la route de la connaissance, si tu préfères, où j’accompagnais des gens progressistes qui, sans disposer de la carte du Savoir intégral, souhaitaient aller de Platon et Heidegger à Camille, M. Prokora et Banabar. Il n’est qu’avec cette carte que l’on puisse aller simplement des uns aux autres, sinon, on ne peut en rester qu’aux uns ou aux autres.
M.H. – Tu fais du tourisme spirituel à présent. Et ça marche?
W.R. – Ca marche et ça marchera tant que cette carte ne sera pas mise à la disposition de tous les habitants de la terre. Après on verra ce que l’on fera avec la super-carte du Savoir. Mais, toi-même, qu’as-tu fait durant ce temps-là ?
M.H. – J’ai poursuivi notre mission...
W.R. – Comment ça ! Notre blog-boîte-noire n’a enregistré aucune activité depuis la date du 3 avril dernier !
M.H. – Ce que j’ai accompli doit rester secret. Il s’agissait d’une mission hors du commun qui nécessitait pour son accomplissement des supra, des infra et des nano-moyens inconnus ici et qu’aucun appareil ne peut enregistrer.
W.R. – Si c’est secret, n’en parlons plus. Mais sais-tu que durant nos absences, nos imitatrices, les sous-visiteuses qui sévissent depuis chez « Les enfants » que l’on dit être de « la Créatique » ont occupé le terrain. A force de nous imiter, elles ont cru pouvoir nous remplacer. Leur délire a provoqué des déflagrations sur le net et coupé net nos liaisons avec des sites amis qui relayaient nos informations à l’usage des autres créateurs et des producteurs honnêtes. Le court-circuit vient de ce qu’elles nous critiquaient, m’a-t-on dit, en nous attribuant un rôle d’êtres supérieurs qui savent un peu ou tout, plus en tout cas, sur les choses du Savoir. Elles nous ont décrites comme des as alors que chez nous nous ne sommes que des quelconques parmi les quelconques
M.H. – C’est absolument incroyable de pareilles horreurs sur nous. Le plus grave, ce sont les liaisons, il faudra procéder à leur réparation. A part cela, y a-t-il du nouveau ?
W.R. –Le site officiel du Lettrisme fonctionne et celui de Roland Sabatier vient d’être créé. Il se nomme: SiteRolandSabatierLettrisme
M.H. Mais pourquoi accole-t-il « lettrisme » à son nom ?
W.R. – A cette même question, il m’a simplement répondu qu’il y a trop de « Sabatier » et pas assez de « Lettrisme ». De lui, connais-tu l’exposition « Œuvres pour chiens » qu’il a proposée à la galerie Artcade en 1991 ?
M.H. – J’en ai entendu parler, il avait réalisé une « œuvre de pédagogie canine » dont le but était d’expliquer l’art aux chiens venus nombreux. Mais pourquoi, tout à coup, me le demandes-tu ?
W.R. – Parce que j’ai retrouvé la photo de ce moment de sa manifestation.


Roland Sabatier. "Oeuvre de pédagogie canine"réalisée dans le cadre de l'exposition "Oeuvres pour chiens", à la Galrie Artcade, en septembre 1991.

03 avril 2006

47. UN INSTANT DE GRANDE NOSTALGIE

M.H. – Te souviens-tu de la mission dont nous étions chargées, il y a plusieurs années, par le CUNN, le Comité Universel de la Nécessité Créatrice ?
W.R. – Oui, nous avions dû nous rendre à l’improviste dans quelques-uns des lieux artistiques, philosophiques, théologiques, scientifiques et technologiques des grandes capitales de la Terre pour procéder à la vérification de la mise en conformité des manifestations de ces lieux avec les exigences de la kladologie et de la créativité
M.H. – A cette occasion, nous avions placé des dispositifs de klado-vigilance aux endroits les plus stratégiques
W.R. – Et même, en d’autres endroits qui n’étaient connus que de nous, des systèmes de contre-mesures polyagnoïaques. Sans doute y sont-elles encore ?
M.H. – C’est à-peu-près à cette date que nous avions organisé la lecture publique, par des lecteurs qui se relayaient toutes les demi-heures, des mille cinq cents pages de la Créatique d’Isidore Isou. Ce spectacle super-intelligent s’était déroulé tous les soirs, durant deux années complètes, au Théâtre Gabriel Pomerand, il me semble.
W.R. – C’était l’époque où le clivage droite gauche se dissipait et où se profilait l’idée d’une dépolitisation de la politique. Grâce à la réduction du nombre et de la durée des mandats, les élus, conseillés par l’ensemble des créateurs dans les branches du savoir et débarrassés de la préoccupation de leur réélection, ne s’occupaient plus que de la gestion des affaires du pays.
M.H. – Le protégisme juventiste est le grand axe de cette gestion qui exigeait la transformation de l’enseignement scolaire, le crédit de lancement pour les jeunes et une planification intégrale prenant en compte les besoins de toutes les couches de la population
W.R. – Avec la découverte de l’externité l’économie devenait une science véritablement exacte. Cela s’est-il réalisé ?
M.H. - Pour-soi, non. Mais en-soi, c’est toujours juste !

28 mars 2006

46. L'UNIVERS MERVEILLEUX DU TROU DE MÉMOIRE

W.R. - Avec notre rencontre de GCS-B notre mission a accompli un pas en avant considérable.
M.H. – Heureusement, car, jusqu’alors, nous n’avions pas beaucoup progressé. Nous avons passé la majeure partie de notre temps a réaliser des œuvres, alors que notre but était d’agir en faveur de la propagation de nos idées dans la médecine, l’économie, la psychologie, l’hyper-théologie...
W.R. - ...de changer la société et le monde, quoi ! Mais, tu veux insinuer que nous n’aurions pas été suffisamment kladologique ?
M.H. – C’est un peu ça, mais, tout de même pas à ce point.
W.R. – Naturellement, nous ne croyons pas que changer l’art change la vie, mais, que nous réalisions des œuvres, d’une certaine manière, c’est normal. Ne venons-nous pas d’une société avancée où tous les êtres sont des créateurs ?
M.H. – Cette remarque tombe à point, car une nouvelle œuvre s’est imposée à moi tout à l’heure. Je souhaitais t’en parler. Tu vas voir, c’est très rapide, je ne lis qu’un bref extrait...
— com ent.l’éc le peut-elle changer si on ne com.....ce pas par cha.ger les professeurs aux postures sa.antes q.... culpabi..sent l’Etat et les.......................de la nati.n au nom d’un savoir ridicu..................... en traitant de haut ou en méprisant les mou.............t..d’avant-garde qui .....................? Quels changements bénéf .................peut-on espérer de « maîtres » sclé..sés qui se complaisent à interpréter ce qui n’exi.te pas et à nier .e qui est évident ? ................................ de ........................................ de ces soi-disant « péd.gogues » aux.................... didactiques érigées en théories impé..trables et obscurantistes, qui placent.....arbitraire « savoir métho..logique au-dessus de tout s.voir...............................................ces ?
W.R. – Je ne vois là rien d’autre que l’expression d’un trou de mémoire dans le développement de ta pensée.
M.H. – Certainement, à la différence prés que dans la vie, les oublis sont involontaires et liés à la pathologie du système nerveux, alors qu’ici, ils sont l’expression volontaire et consciente d’une réalisation infinitésimale d’haplographie esthétique. 
W.R. – Je comprends, et pour faire ça il faut être en très bonne santé.
M.H. – Tu vois bien que l’on peut travailler dans la neurologie à réduire les trous de mémoire et, en même temps, œuvrer dans l’art, pour en multiplier le nombre.























Meret Oppeinheim. "Journal avec mots croisés dans la forêt", 1973

22 mars 2006

45. LE CABINET DE LECTURE

M.H. – Cet endroit a été conçu par la mission RS, il n’est pas encore très fréquenté.
W.R. – C’est très solennel et fait penser à un tabernaculum, une sorte de lieu provisoire où un certain nombre de choses sont conservées, en attente, protégées dans le dessein d’être appropriées pour servir à des buts différents destinés à se passer ailleurs.
M.H. – C’est effectivement très complexe. Cette salle incarne la bibliothèque des temps futurs. Par l’assimilation généralisée de la créativité et, en dehors des textes essentiels des novateurs de l’histoire de l’humanité, elle est destinée a perpétuer la prose et le roman sous de nouvelles formes. 
W.R. – Je comprends. Cette réduction culturelle au meilleur s’effectuant, naturellement, au détriment de la masse considérable d’ouvrages inutiles des imitateurs et des escrocs intellectuels que nous connaissons encore. A leur place, et en complément des ouvrages quintessenciels, ce Cabinet de lecture présente les livres virtuels, mentaux ou imaginaires.
M.H. – c’est bien cela, mais comment s’y prend-on pour lire ces livres que l’on ne voit pas ?
W.R. - Pratiquement, dès leur entrée les lecteurs remplissent une fiche de lecture sur laquelle ils indiquent les caractéristiques des ouvrages imaginaires qu’ils souhaitent consulter. Tu vois, sur le mur à gauche, toutes ces fiches sont rassemblées pour attester de l’authenticité de l’enregistrement et de la consultation des ouvrages.
W.R. – C’est donc ainsi que s’est constitué, petit à petit, le fichier Universel de la Littérature Imaginaire. Allons nous-mêmes le consulter ! Qu’en penses-tu ?
M.H. - Nous sommes les héroïnes récurrentes d’une histoire du futur donnée sur le mode du dialogue platonicien.
W.R. - Pourquoi dis-tu cela ?
M.H. - Mais, ce n’est pas moi, c ‘est l’auteur qui est derrière moi. Lui, il doit savoir pourquoi.


Roland Sabatier. « Le Cabinet de lecture (1973-1992) ». Installation à la Galerie de Paris en 1993.

19 mars 2006

44. POURQUOI EST-ON LETTRISTE ET POURQUOI LE RESTE-T-ON ?

W.R. – Crois-tu que les gens, ici, ne vont pas finir par se douter de ce que nous sommes vraiment ?
M.H. – Cela me paraît impossible si nous pensons à nous conduire comme eux. Tu dois, par exemple, parler de « libéralisme » ou de « lutte des classes », et non de « soulèvement de la jeunesse » ou d’ « économie nucléaire »; de « psychanalyse » et non de « psychokladologie ». Tu devras également soutenir que nous vivons dans une « société médiatique » ou de « consommation », et ne rien dire de la « société kladologique » ou « paradisiaque ». Si tu te trouves mêlée à une conversation au sujet des expressions esthétiques visuelles, tu prononces les termes d’«art contemporain » et non d’« hypergraphie » ou « d’art infinitésimal » ; et, si ces expressions sont accompagnées d’objets, tu dois comprendre que ce sont des œuvres « multimédia », sans rien dire de la « méca-esthétique généralisée ». De la même manière, n’utilise jamais les notions d »amplique » et de « ciselant » qui pourraient te trahir...
W.R. – Je dis simplement « construction » et « destruction »...
M.H. – Surtout, ne dit rien au sujet du « super-temporel » ou de « l’esthapéïrisme » quand on te parle d’ »interactivité » ou d’ »immatériel ». Ils ne le supporteraient pas.
W.R. – Je vois, tout cela est très décalé.
M.H. – Autre chose ! Fais particulièrement attention aux termes de « Créatique » et de « Novatique ». Ici, ils ne sont pas admis. On vit simplement en ne se posant que des questions inutiles.
W.R. – Essayons tout de même de réaliser une nouvelle œuvre infinitésimale, je suis sûre que personne ne s’en apercevra.
M.H .– Plus tard, dès demain je dois me rendre à Pékin pour présenter la version chinoise du film « Les Preuves ».





















Roland Sabatier: Les Preuves (version chinoise. 1966-réplique 2005)

16 mars 2006

43. AMELIORATION OU PRESENTATION?

W.R. – Lorsque tu te maquilles, as-tu déjà pensé si, ce faisant, tu fais ça pour t’améliorer ou pour te présenter ?
M.H. – Quand je porte un vêtement, c’est pour me présenter, mais, ce vêtement, je fais en sorte qu’il m’aille bien, qu’il me mette en valeur et, en un mot, qu’il m’améliore.
W.R. – Donc, une fois maquillée, tu te représentes, à la fois, comme améliorée et comme présentable. Mais, jamais tu ne te dis que tu pratiques une opération ayant pour but de modifier ton aspect.
M.H. – Sans doute, oui ! mais il y a bien longtemps que je ne me suis plus posée cette question.
W.R. – Pourtant, tu te dénatures, tu fais un faux de toi !. Que tu le veuilles ou non, tu donnes à percevoir ce qui n’est pas, comme quand on porte un masque. C’est une falsification !
M.H. – Se maquiller, ce n’est pas se masquer, mais, d’une certaine manière c’est autant une mascarade.
W.R. – En fait, ce que tu maquilles, c’est la vérité.
M.H. – Oui, mais après un certain temps on s’habitue. Moi-même, je m’identifie à ce que je montre, non pas de la vérité, mais bien de la vérité sous laquelle, avec ce maquillage, j’ai décidé de me donner à voir. A la longue, à une vérité connue, se substitue une nouvelle, une autre vérité.
W.R. – Et, tout ce mic-mac, les autres, ils l’acceptent sans broncher.
M.H. – Bien sûr, ne crois-tu pas qu’eux-mêmes agissent pareillement ?
W.R. – Tu veux dire, finalement, que la vérité, c’est nous qui la produisons et c’est pourquoi « je » est toujours un autre. En-soi, c’est ça ?
M.H. – Non, pas en-soi, pour-soi, sinon ce serait la vérité portée en-l’autre. Or, cette vérité-là ne s’acquiert qu’à l’issue d’une super-propagation qui l’impose, durablement, au-dessus de toute autre.
W.R. – Et pour les faits, c’est sans doute la même chose.
M.H.- Certainement, à la différence près qu’ils ne sont faits-de-vérité que jusqu’à la preuve du contraire.
W.R. - Je vois, « je » est bien un autre. C’est ce que je voulais vérifier.


Roland Sabatier. Les Visiteuses (1992)

12 mars 2006

42. CONJECTURE SUR LES AUTRES NOUS-MÊMES

M. H. - J’ai des nouvelles des pseudo-visiteuses.
W.R. – Tu veux dire des alter-visiteuses. Moi aussi, j’ai regardé ce qu’il en était de tout ça, et, effectivement, elles se manifestent sur « Les enfants de la Créatique » où elles prennent le dessus après avoir emprunté nos noms. 
M.H. – Donc, nous pouvons tenir pour sûr qu’elles font bien, de leur côté, ce que nous nous faisons du nôtre. 
W.R. – Elles n’ont ajouté dans leur titre qu’un (RE) à vu, et elles s’imaginent que cela suffit à faire que ce n’est pas la même chose. 
M.H.- Ce n’est plus de la ressemblance, c’est de l’identification. 
W.R. - C’est un cas unique de klado-homéologie. 
M.H. – Dans l’ignorance des causes, et à juger au hasard, ce qu’elles font me semble également être du gongorisme, du plagiarisme ironique, de l’homéotéleute mal foutue..., du pasticcio même...
W.R. – Disons, pour faire simple, que c’est du « visitisme ».
M.H. – Mais, tu comprends, un truc comme ça, ça ne se fait pas tout seul, ça implique des complicités. Je pense à la direction de notre Mission qui, considérant que nous n’avons pas suffisamment travaillé, aurait pu procéder, sinon à notre remplacement, du moins à un doublage.
W.R. – C’est une possibilité, mais ça peut, aussi, être Gérard Bermond, il lui est déjà arrivé de se prendre pour un autre, comme ça peut venir de n’importe quel enfant de la Créatique, enfin, tu vois ce que je veux dire. GCS-B, lui aussi pourrait être derrière, mais je ne pense pas que ce soit RS.
M.H. – Pour ma part, je n’exclus pas que ce puisse être ACC. Jusqu'à présent, elle était avec RS dans l’histoire des visiteuses, il est possible qu’elle ait fini par vouloir se démarquer de lui pour reprendre la Mission, seule, à son propre compte. 
W.R. – Tout ça, ce ne sont que des hypothèses. Que l’on ne nous fasse pas dire ce que nous n’avons pas dit, mais, il n’en reste pas moins qu’elles sont klado-tractées.
M.H. –Peut-être le saurons-nous un jour et, pour l’instant, comme si de rien n’était, le mieux est de poursuivre notre travail, sinon nous ne serons plus que les spectatrices des autres.




















Roland Sabatier. « Sous le ciel de Max Ernst, rencontre de plusieurs automatismes », (1969).

10 mars 2006

41. NOS MEMES SEVISSENT AILLEURS , NOUS DIT-ON.

W.R. – Que pouvons-nous dire après un aussi super beau titre ?
M.H. – Qu’as-tu fait aujourd’hui ?
W.R. – Rien...je veux dire pas grand-chose. Je me sens un peu lasse, mais ce n’est pas de la dépression, c’est juste de la philosophie.
M.H. - Nous avons tout de même le droit d’être casanières !
W.R. – Je ne sais qui a dit « à l’homme rien n’est impossible, ce qu’il ne peut pas faire, il le laisse ». 
M.H. –.Tu sais très bien qui a dit ça. Pourquoi dis-tu que tu l’ignores ?
W.R. – La vérité voudrait que je le dise, mais ma liberté m’autorise à le taire.
M.H. – Et hier, as-tu bien travaillé ? Qu’as-tu fait exactement ?
W.R. – J’ai écrit deux mots...
M.H. – Deux mots ! et tu me dis avoir bien travaillé !
W.R. – Enfin, peut-être trois...ou quatre
M.H.- C’est bien ce que je dis. Ce ne sont pas des mots qu’il fallait écrire, mais bien des lettres et, peut-être même, seulement des fragments de lettres. Laissons cela, car Il est un point nouveau qui me laisse perplexe. On m’a parlé, hier, d’une chose étrange. En deux mots, il semble dans les faits que nous soyons là et, en même temps, ailleurs. Je m’explique : dans un cadre identique au nôtre, deux filles portant nos noms dialoguent exactement comme nous le faisons. Or, comme il ne s’agit pas de nous, nous devons considérer qu’il s’agit de quelqu’un d’autre.
W.R. – Tout cela m’étonne considérablement. Mais quel est l’objet, ou le sens, s’il y en a un, de leurs conversations ? 
M.H. – Absolument le même que le nôtre. Elles parlent de ce que nous savons en l’inscrivant, comme nous, dans le cadre de ce qui est. Encore une fois tout cela m’a été dit, je ne l’ai pas vérifié.
W.R. – J’ai du mal à le croire. Pour l’instant, comme il est d’usage chez nous et en l’attente d’informations objectives, je propose que nous suspendions notre jugement. 
M.H. – Tu veux dire : que nous fassions l’epokhê !
W.R. – Exactement, comme la dernière fois. Sans epokhê, c’est epopoiia, et ça, en la circonstance, ce n’est pas culturel
M.H.- Il semble que ces présumées suiveuses se soient manifestées chez Les enfants de la Créatique. Demain nous procèderons à la vérification. Mais imagine un instant que ce que nous faisons, elles le fassent mieux que nous..., qu’elles nous dépassent, quoi !... Tu crois vraiment que ce soit possible ?
W.R. – Et toi, tu crois vraiment que ce n’est pas nous qui sommes en train de nous dépasser. Ce n’est qu’une hypothèse.




















« Les lettristes sont irrécupérables jusqu’à la société de l’éternité concrète, paradisiaque », extrait de l’œuvre présentée en 1993 à la Biennale de Venise.

09 mars 2006

40. LA PROMENADE

W.R. – Aujourd’hui, tu le sais, nous allons nous promener !
M.H. – Je ne l’ai pas oublié. Cela fait une éternité que je n’ai pas fait une chose pareille.
W.R. –Si nous sortons, je vais emporter « Le Petit philosophe de poche » de Gabriel Pomerand dans la reliure-promenade de RS.
M.H. – Je ne crois pas que cela se justifie, mais sur un certain plan ça s’impose, au moins, si l’on ne confond pas la succession cause-effet avec la succession moyen-fin. D'ailleurs, ce projet n’est pas sans me rappeler les « Œuvres déambulatoires » et les « Peintures promenades » que cet artiste proposait en 1966. 
W.R. – Se promener, ce n’est pas aussi simple qu’on le croit. C’est très difficile ! tu sais que nous ne pouvons pas nous promener n’importe comment. Par exemple, il n’est pas question de nous déplacer comme un marxiste qui pense que tout ce qui se dévoile à ses yeux serait le résultat de la lutte des classes.
W.R. – Et considérer que tout ce que nous rencontrerons de défectueux serait la conséquence regrettable de conflits entre le patronat et le prolétariat.
M.H. – Cela est ridicule. Il ne faut pas, non plus, accomplir nos pas comme des structuralismes qui s’aveuglent sur des structures superficielles et arbitraires
W.R. – Ni comme des sociologues qui privilégient les seuls faits constitués.
M.H. – Naturellement, nous ne pouvons pas non plus marcher comme des néo-dadaïstes crétins et plagiaires qui signent leur marche en elle-même, comme une œuvre d’appropriation pareille à un ready-made.
W.R. – De la même manière, notre promenade ne peut avoir le sens de la « dérive » des situationnistes agressifs et réactionnaires qui croient à la mort de l’art.
M.H. – Évidemment, nous devons déambuler comme des amateurs assurés et tranquilles de l’avant-garde authentique qui savent que tous leurs pas réalisés dans le cadre de cette promenade incarnent dans la dimension de l’imaginaire des formes d’une œuvre infinitésimale.

















Roland Sabatier. Peinture-promenade (détail), 1966

06 mars 2006

39. WHAT ABOUT PLASTIC ART CREATION ?

M.H. - J’ai repensé tout à l’heure à RS. Il nous faudra bien le rencontrer un jour, je crois que nous pourrions trouver quelques indices dans les archives de l’école progressiste dans le cadre de laquelle il donnait un cours sur l’Histoire et les théories de l’art contemporain. Je crois que c’est l’IC’COM.
W.R. - l’IC’COM ! Jusqu'à présent, je pensais que seuls les points étaient « com », je vois à présent que les « IC », aussi, le sont.
M.H. – Ca, c’est une autre histoire, une petite histoire de point de vue.
W.R. – Mais, à son sujet, es-tu au courant qu’une voix s’est élevée, une fois, pour affirmer son insignifiance au prétexte que son toute son œuvre copiait l’art contemporain ?
M.H. – Je l’ignorais, mais je suis très surprise de cette affirmation. L’art contemporain est déjà le plagiat de l’Art, alors, celui qui dit cela veut-il signifier que RS aurait copié l’Art ?
W.R. – Comment peut-on concevoir pareille vue, puisque l’Art ne s’occupe que de la représentation du réel, alors que l’expression esthétique de notre camarade se fonde sur les milliards de signes concrets et virtuels de la connaissance ? 
M.H. - Parfaitement, c’est un abus de paroles, car la comparaison est impossible. Celui qui l’énonce ne sait pas de quoi il parle. En fait, loin de parler de ce qu’il dit, il ne parle que de lui. 
W.R. – Cette pique c’est du malvenu qui vient de loin pour aller nulle part. Et crois-tu qu’il est parvenu à convaincre quelqu’un de cela ?
M.H. – Certainement, mais uniquement ceux qui en savent encore moins que lui.
W.R. – Cette histoire, c’est une histoire de fous.
M.H. – De fous, je ne le crois pas. C’est seulement une simple histoire d‘art.




























Roland Sabatier. What about plastic art creation? (1990) Installation Galerie Artcade

04 mars 2006

38. ENTENDRE LA VOIX D’UNE FEMME

W.R. – Avec nos idées et les œuvres du genre dont nous parlons, pour en être les auteurs ou pour les admirer, ne crois-tu pas que nous prenons le risque d’être prises pour des connes.
M.H. – C’est possible, je ne sais pas, sans doute, oui. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour que nous refassions aujourd’hui le cubisme, le fauvisme ou encore le dadaïsme d’autrefois.
W.R. – (en riant) Certains, pourtant, ne s’en privent pas.
M.H. – Tu ris, mais tu ne tes moques pas, j’espère. On pourrait nous entendre.
W.R. – Je suis sûre que pour les gens, ce que nous faisons paraît aussi peu sérieux que, en leur temps, les propositions des grands Impressionnistes. 
M.H. - Je pense surtout à toutes ces femmes qui n’ont jamais envisagé d’innover, à celles qui ont tenté de le faire et à d’autres, très rares, qui n’y sont parvenues que quelques fois.
W.R. – La création implique la ca ........ .... cité à pouvoir supporter les........ .Les femmes doivent se libérer de la cont ............. George Sand, Berthe Morisot, Marie Curie, Gontcharova, Ca... ille Claudel, Rosa Luxe ..... ....burg ou Suz........ .Les femmes combattent pour ob.... nir des droits semblables aux hommes, alors que la........ .Elles ne doivent pas s’appuyer sur les........ itateurs, les individus arriérés, qui feront d’elles des êtres in..... rieurs réduits à la mé ............ .Ce mouvement doit...... boucher sur la conquête du systè...... de la création des biens qui, .......eul, ......vre la dimension de la ........... .La femme doit se dépasser dans l’au-de...... ........................de l’acquis des..fem ......................... .......................... s et des hommes arriér........................
M.H.- Quelque chose ne va pas ? Es-tu bien sûre d’aller bien ?
W.R.- Tout va bien. J’essayais de traduire dans notre dialogue l’idée de l’anantapodoton. A ta réaction, je sais, à présent, que j’y suis parvenue. C’est une nouvelle œuvre en forme de figure linguistique que je pense ajouter à ma collection.
M.H.- Ainsi, dans l’avenir, chaque fois que se concevra quelque part un anantapodoton, on entendra une voix de femme.




























Hans Bellmer. "La Demi-poupée", 1972 (collection JSC Modern Art Gallery, Paris)

02 mars 2006

37. CELUI QUI NOUS PENSE ET NOUS PARLE EST UN AUTRE

W.R. – Ne te retourne pas ! Derrière toi je vois un vieux qui nous regarde avec complaisance.
M.H. - A quoi ressemble-t-il?
W.R. – Il est de ceux qui vont voir une péloche, au cinoche ou à la téloche, sans comprendre que ça cloche et que le film est moche.
M.H. – Je voulais te dire que j’ai rencontré plusieurs personnes qui savent, plus ou moins, qui nous sommes. Toutes m’ont dit un certain nombre de choses au sujet de ce que nous faisons. 
W.R. – Et, surtout, au sujet de ce que nous disons, j’imagine.
M.H – C’est plutôt cela.
W.R. –Ces personnes ne nous reprochent pas, tout de même, d’être légères et inconséquentes !
M.H. – Non, il n’y a pas matière à procéder à une klado-remédiation. Au contraire, elles nous apprécient beaucoup, mais, parfois, justement, surtout au sujet de ce que nous disons, elles se posent des questions.
W.R. – Parce qu’elles pensent vraiment que nous sommes responsables de ce que nous disons.
M.H. –Certaines d’entre elles déplorent que celui qui nous fait parler ne soit pas nettement identifié.
W.R. – Il est vrai que, comme personnages de fiction, nous sommes parlées et pensées par un autre.
M.H. – Bref, elles voudraient savoir qui est derrière. Tout ce qu’elles savent, c’est que nous dérivons d’une œuvre proposée par RS en 1990. De là, certaines d’entre elles pensent que c’est lui, toujours, qui rédige nos répliques. Certains pensent qu’il s’agit d’un autre, d’une autre peut-être.
W.R. – Mais, il est impossible que ce soit RS, car, lui-même, depuis, il est devenu un autre.
M.H. – C’est vrai que l’on peut se poser la question. Nous-mêmes nous ignorons si c’est le RS de 1990 ou bien celui d’aujourd’hui qui nous anime.
W.R. – Là encore, nous nous vérifions que l’on ne peut pas toujours tout savoir. Mais tous les gens autour de nous, eux-mêmes, ne sont-ils pas que ce que nous croyons qu’ils sont.
M.H. – Ne regarde pas derrière toi, il y a un jeune qui nous observe avec insistance. 
W.R. – Comment est-il ?
M.H.. – Comme la plupart que nous croisons ici, c’est un enfant de Bill Gates et de la marijuana.




© reproduction non autorisée sans autorisation des auteurs; Anne-Catherine Caron & Roland Sabatier

28 février 2006

36. LE RETOURNEMENT SUR L’EXTERIEUR, CA CHANGE !

M.H. – Aujourd’hui, je me sens un peu découragée ! C’est un peu comme si, après être sortie d’un film de Griffith ou de Murnau, je me retrouvais subitement dans un film de Rivette ou de Doillon.
W.R. – Cela, en effet, doit être terrible. Je n’aimerais pas être à ta place. 
M.H. – Malgré cela, je viens de trouver une nouvelle idée sur laquelle tu pourrais me donner ton avis.
W.R. – A quoi, cette fois-ci, cela peut-il ressembler ?
M.H – Il s’agit d’une petite chose que l’on pourrait qualifier d’exstrophie esthétique et qui me semble apporter une nuance supplémentaire dans le cadre de l’art infinitésimal.
W.H. – En effet, déjà, cela n’est pas banal. A considérer l’étymologie grecque je crois savoir à-peu-près de quoi il s’agit. Mais j’aimerais bien voir comment, avec ça, tu vas pouvoir faire œuvre.
M.H. – C’est très simple, tu n’as qu’à écouter ce que je vais te lire.
W.R. – Dépêche-toi, car nous ne sommes pas ici pour cela.
M.H. – Je ne le sais que trop. Mais, de temps en temps nous avons bien le droit d’avoir des loisirs, nous aussi... Écoute bien, je commence la lecture : 
— .étéicos enu’d ,stnesérp ,sleér snioseb sel te ,enuej el rap euçer noitacudé’l ertne ecnedicnïoc-non enu tilbaté’s euq siof euqahc tneivrus egatar eL. Étilaér ettec ed stneicsnoc sulp ne sulp ed tnelbmes sfisseccus stnemenrevuog seL. Elleutca étéicos al ed eéifislaf te eéssapéd erutluc al ed setisdnagaporp sel tnos iuq ,semêm-xue stnangiesne sel tnos tnemengiesne’l ed ismenne eslbatirév seL.
— Alors, qu’en penses-tu ?
W.R. - Que puis-je te dire, sinon que, bien sûr, j’en suis toute retournée.






















Roland Sabatier, "Réalisation d'exstrophie esthétique" (2005)

25 février 2006

35. DE CE QUE NOUS SOMMES A CE QUE NOUS SERONS

W.R. – J’ai bien réfléchi. Si nous sommes ce que nous sommes, c’est grâce aux inventions et aux découvertes apportées par les différents créateurs dans l’ensemble des branches de la culture.
M.H. – Cela me semble absolument évident, nous ne vivons pas sur le fondement de nos propres définitions. Mais la Créatique a mieux expliqué ces inventions et ces découvertes que leurs auteurs ne l’avaient fait.
W.R. – Donc, si nous sommes ce que nous sommes, c’est bien grâce à la Créatique.
M.H. – Ca fait syllogisme, mais, que sont toutes ces chaussures alignées sur le sol de cette pièce ?
M.H. – Elles incarnent sur le plan imaginaire ce que, si tout se passe bien, demain, nous serons. 
W.R. – D’une certaine manière elles sont donc les créateurs de demain.
M.H. – Naturellement, et il suffit de les imaginer pour que ce soit vrai.
W.R. – Cela, nous pouvons le concevoir. Mais nous ne devons tout de même pas oublier qu’il arrive quelques fois que des chaussures puissent n’être que des chaussures.
M.H. – C’est, en effet, une possibilité que nous ne devons pas négliger.














Roland Sabatier. Reconstitution de "Les visiteuses: de ce que nous sommes à ce que nous serons" (1991)

22 février 2006

34. LA VISITE A GRAND CREATEUR SUPER-BENEFIQUE

W.R. - Penses-tu que Grand Créateur Super-Bénéfique habite ici ?
M.H. - Non, il n'est que de passage.
W.R. – Nous devons prendre l’escalier, par là, à gauche, et monter jusqu’au palier TD6, je crois...
M.H. – Chaque degré de cette montée s’impose à moi comme la métaphore de la souffrance de l’artiste au cours de sa progression dans la société à travers les escrocs, les sceptiques et les imbéciles. 
W.R. – J’ai le même sentiment, c’est une manière de chemin de croix moderne, et, en plus, je viens d’entrevoir une exo-image menaçante qui se profilait sur ma droite...
M.H. – Voici la porte. C’est celle sur laquelle il est écrit « Bureau de klado-vigilance ».
GCS-B. – Je vous attendais ! Vous êtes les Visiteuses ! Les services de la CIAL m’ont averti de votre venue. Entrez ! Je sais que vous arrivez de très loin, aussi, vais-je faire vite pour que ni vous ni moi ne perdions du temps.
W.R. – Nous av...
GCS-B -... le “théologique” signifie “éternité” et vaut pour une allusion à l’inconnu, à un mystère. Le religieux vient là où les explications manquent. Or, La Créatique, comme méthode de création, permet d’apporter les explications, de trouver du nouveau, mais, également, de fouiller tout ce qui existe, de remonter jusqu’à la création première, jusqu’au “Big-bang”, pour reconstituer les différents moments de l’invention et de la découverte de l’humanité. Je pense qu’il faut aller du “Big-bang” à la Société Paradisiaque. André Breton n’a pas compris ce but quand, un jour, il m’a reproché d’écrire comme Dali. Il pensait que je me prenais pour le Messie. Mais, chez Dali, même le banal était écrit à la troisième personne, alors que chez moi, seule l’expression de ma dimension éternelle s’exprimait de cette manière. Tous les créateurs ont été considérés comme des mégalomanes avant que leurs apports ne soient compris. On m’a également accusé de me définir comme le fils de Dieu ou comme le Messie, alors que je n’ai jamais écrit cela. Je ne peux pas passer mon temps à me défendre et à m’expliquer sur tout...
... J’ai toujours eu l’impression qu’avec le temps cette perception de moi-même s’effacera derrière mon apport immense que l’on considérera seul. Comme tous les individus, je me croyais immortel et je me disais que j’avais toujours le temps de rédiger La Créatique dans le but d’en divulguer son contenu au public. Avec cette méthode, il me semblait que les gens pourraient monter plus haut et plus rapidement, vers l’image qui est la mienne d’une société meilleure, plus exaltante et plus riche que celle que nous connaissons. Mais les événements ont empêché cette réalisation. C’est seulement en 1974, quand je me suis découvert vieux, lorsque j’ai vu mon mère puis mon père disparaître, que je me suis décidé à revoir toutes les notes accumulées depuis ma jeunesse pour les classer et commencer la rédaction de cet ouvrage monumental de plus de 5000 pages. Je l’ai achevé en 1976, il me semble. Quelques exemplaires photocopiés circulent, mais, aujourd’hui encore, cette somme de 9 volumes n’a pas été publiée. Maintenant, il reste encore tant à accomplir: en médecine, dans le social, dans les arts, dans tous les domaines finalement. Je ne pourrai pas tout faire. Au-delà de tout ce qui nous manque, je vois la Société Paradisiaque qui représente le but auquel nous conduiront toutes les créations surgies, à travers toutes les disciplines, depuis le début de l’humanité. En attendant, nous devons encore lutter, car chaque création nous rapproche un peu plus de ce savoir absolu qui caractérisera ce futur. Voilà, je pense avoir répondu à toutes vos préoccupations et j’espère que vous lutterez pour cet avenir meilleur ! Merci-au revoir-à bientôt !
M.H. et W.R. – Merci-au revoir-à bientôt.
M.H.- (dans l’escalier) – Chaque degré de cette descente est le symbole du retour à quelques images simples. 
W.R. – Je le pense aussi, ce qui, en soi, est une manière de déplétion. Tiens, c’est à mon tour d’entendre quelque chose ! Je crois qu’il s’agit cette fois d’un hypo-son, à moins que ce ne soit qu’un simple caco-son fragmentariste entr’entendu. Et Grand Créateur Super-Bénéfique , comment l’as-tu trouvé ?
M.H. – Sa vision de dieu et du futur est de l’ordre d’un « pas-encore » auquel il ajoute un « en-attendant ».
W.R. C’est ça être en sur-normale constante.

















Les réponses de GCS-B, formulées par Isidore Isou, sont extraites de l’entretien d’Isidore Isou et de Roland Sabatier paru en postface de « Précisions sur ma poésie et moi » (Exils Editeur, Paris 2003). L’ouvrage « La Créatique ou la Novatique », auquel il est fait allusion, est paru depuis aux Editions Al Dante.

19 février 2006

33. PORTRAIT DE L’ARTISTE EN FUTUR LETTRISTE, PRES DE LA GARONNE

W.R. – Regarde d’ici comme l’on voit bien le quai de la Daurade avec ses platanes alignés ! Contemple les rives de la Garonne ! Vois le Pont-Neuf et, devant nous, les immeubles aux toitures de tuiles roses illuminées par le soileil ! Admire le Dôme cuivré de l’Hôtel-Dieu ! Regarde encore, sur notre droite, la façade sculptée de l’Ecole des Beaux-Arts...
M.H. – Tout ce que tu me désignes, je le vois. Mais, sais-tu que ce ne sont là que des fragments éparpillés du portrait imaginaire de l’artiste en futur lettriste ! 
W.R. – Tais-toi ! Je sens qu’il nous regarde et nous écoute.
M.H. – Je suis comme Zeuxis devant le tableau de Parrhasios, je demande à voir !
W.R.- Il arrive parfois que nous regardions ce qui ne nous regarde pas.
















Roland Sabatier. Extrait de "Portrait imaginaire de l'artiste en futur lettriste, près de la Garonne (1991). Installation à la galerie Axe Actuel de Toulouse, dans le cadre du 3e Festival International d'Art infinitésimal et Sup (1991)

16 février 2006

32. CONVERSATION D’AMEUBLEMENT, SUIVIE D’UNE REDITE

W.R. – Aujourd’hui, vois-tu, j’ai l’impression de ne plus pouvoir dire quoi que ce soit d’original.
M.H. – Tu sais ce que l’on fait dans ces cas-là ! Comme l’histoire doit se poursuive, il faut meubler !
W.R. – Oui, faisons « conversation avec une manière de commencement, une prolongation du même et un en plus, suivi d’une redite ».
M.H. - Qui commence, toi ou moi ?
W.R. – Commence toi !
M.H. – Je commence : — L'intégration naturelle et rapide de la masse de millions de détachés est la condition première, pour l'économie nucléaire et le soulèvement de la jeunesse, d'une société élargie s'ouvrant sur le maximum du plein emploi possible dont le fonctionnement harmonieux et la richesse décuplée seraient garantis par la perte même de la raison d'être de la créativité détournée menant à la constitution de classes sociales opposées et au destructeur "conflit des générations".
W.R. - L'intégration naturelle et rapide de la masse de millions de détachés est la condition première, pour l'économie nucléaire et le soulèvement de la jeunesse, d'une société élargie s'ouvrant sur le maximum du plein emploi possible dont le fonctionnement harmonieux et la richesse décuplée seraient garantis par la perte même de la raison d'être de la créativité détournée menant à la constitution de classes sociales opposées et au destructeur "conflit des générations".
M.H. – L'intégration naturelle et rapide de la masse de millions de détachés est la condition première, pour l'économie nucléaire et le soulèvement de la jeunesse, d'une société élargie s'ouvrant sur le maximum du plein emploi possible dont le fonctionnement harmonieux et la richesse décuplée seraient garantis par la perte même de la raison d'être de la créativité détournée menant à la constitution de classes sociales opposées et au destructeur "conflit des générations".
W.R. – C’était très bien !
M.H. – Nous n’avons pas terminé, il manque la redite...
W.R. – Ah, oui, je la fais : – L'intégration naturelle et rapide de la masse de millions de détachés est la condition première, pour l'économie nucléaire et le soulèvement de la jeunesse, d'une société élargie s'ouvrant sur le maximum du plein emploi possible dont le fonctionnement harmonieux et la richesse décuplée seraient garantis par la perte même de la raison d'être de la créativité détournée menant à la constitution de classes sociales opposées et au destructeur "conflit des générations".
M.H. – Comme ça, c’est parfait ! Erik Satie serait content.

14 février 2006

31. LES TROIS QUESTIONS DE KANT

W.R. – Sais-tu que selon Kant toute la philosophie pourrait se réduire à trois questions essentielles?
M.H. – J’ai appris cela ! Que pouvons-nous savoir ? Que pouvons-nous faire ? Que nous est-il permis d’espérer ?
W.R. – Cela est certainement supportable, mais, les philosophes passés, des pré-socratiques à Heidegger, auraient pu tous, me semble-t-il, donner à ces mêmes questions des réponses différentes.
M.H. - Sans nul doute. 
W.R.- Alors, à quoi convient-il d’accorder son crédit ? Aux questions ou aux différentes réponses que chacun leur a apportées ?...
M.H. – Ca, c’est une question à laquelle seule la philosophie peut donner une réponse.
W.R. – Pas une réponse, plusieurs réponses !
M.H. – De questions en réponses la philosophie tournerait-elle en rond !
W.R. – Que répondrait à Kant le super-système créatique ?
M.H. – A la première question, il répliquerait, inévitablement, les meilleures explications théoriques et pratiques offertes par les créateurs dans l’ensemble des branches du Savoir et de la Vie. A la seconde, il indiquerait la nécessité de mettre en œuvre l’application personnelle de ces explications à travers les différentes situations le l’existence. 
W.R. – Et que répondrait-il à la troisième question qui est de savoir ce qu’il nous est permis d’espérer ?
M.H. – Sans hésitation aucune, de vivre le meilleur pouvoir-être possible dans le présent et dans l’avenir.
W.R. – Donc, pour autant qu’ils ont dévoilé des valeurs neuves à la philosophie, tous les philosophes participent au meilleur de notre présent et de notre futur ! 
M.H.- Tu vois, c’est avec des trucs comme ça qu’on y voit plus clair ! Comme je te le disais déjà il y a quelques jours, pour que tout aille bien, il n’est pas nécessaire d’aller au-delà du bien et du mal, il suffit de rester dans le meilleur. 

12 février 2006

30. POURQUOI L’EPOKHÊ, PLUTÔT QUE RIEN ?

M.H. – Tu vois ?
W.R. – Je vois ! je vois très bien...
M.H. - ... 
W.R. – ...
M.H. - C’est super-extendu...
W.R. - C’est super-coordonné...
M.H. - ...
W.R. - ...
M.H. – C’est in-imaginable......
W.R. – C’est l’in-imaginable de l’in-imaginable !
M.H. – On peut le dire comme ça...
W.R. – Je ne sais ce que je dois en penser...Et toi ?.
M.H. – Dans ce cas, moi, je fais l’épokhê !
W.R. – Oui, faisons l’épokhê !
M.H. – Comme Pascal, lorsqu’il pensait, le disait, » le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie . »
W.R. – Surtout la nuit, quand tout est noir...
M.H. - Mais le jour n’est pas forcément plus clair et, surtout aujourd’hui, la vérité, toujours lisible. Le même Pascal, affirmait déjà en son temps que « la vérité est si obscurcie (...) et le mensonge si établi, qu’à moins d’aimer la vérité, on ne saurait la connaître ».
W.R. – Je vois, Pascal pense toujours !




























Roland Sabatier. Extrait de "Les Visiteuses: le voyage vertigineux" (1992)

10 février 2006

29. 4330 PETITES OEUVRES (INFINITESIMALES) DE POCHE

W.R. – Cela fait plusieurs jours que je te vois penchée sur les citations du « Petit philosophe de poche » de Gabriel Pomerand. Tu les apprends par cœur ?
M.H. – Par cœur, non ! Mais j’ai entrepris de les compter pour en déterminer le nombre. J’en suis à la 4322 ème. Je n’en ai plus pour longtemps, il n’en reste qu’une dizaine encore.
W.R. – Quel est ton projet ? Aurais-tu, enfin, décidé de poursuivre l’enrichissement du département de la BNU, la Bibliothèque Novatrice Universelle des Enfants de la Créatique dont nous avons la responsabilité? Cela fait des semaines que nous que nous ne nous en sommes pas occupées.
M.H. – Non, pas pour l’instant ! Ce que je veux, c’est réaliser un grand nombre d’œuvres imaginaires.
W.R. – Et, comment vas-tu t’y prendre avec ces citations ?
M.H. – C’est simple, il suffit que j’invite les futurs lecteurs à lire ces pensées d’auteurs célèbres tout en leur demandant d’être constamment attentifs de les envisager pour ce qu’elles sont, sans jamais se détourner de leur sens strict...
W.R. – Tu veux dire de ne rien imaginer !
M.H. – Absolument ! C’est bien cela que je souhaite...Il s’agit de l’ensemble, le plus grand jamais réalisé, de 4330 œuvres anti-infinitésimales ou, si tu préfères, d’autant de ready-mades infinitésimaux.
W.R. – Et, naturellement, comme l’ouvrage qui les inspire, tu diras que ce sont des petits ready-mades imaginaires... de poche.

08 février 2006

28. L’ART SUPPORTE UNE INTERROGATION

W.R. – Je ne comprends pas très bien !...
M.H. – ...
W.R. – Picasso, en 1907, avec sa formulation du Cubisme était l’être le plus avancé et le plus intelligent du monde, du moins dans le secteur des arts plastiques. Pourtant, il n’a rien compris aux formulations suivantes, des Abstraits, de Dada, du Surréalisme, de l’Hypergraphie et de l’Art infinitésimal, que d’autres ont proposées après lui.
M. H. – Cela ne fait pas de doute...
W.R. – Alors, comment des critiques, qui ne sont même pas Picasso..., qui n’ont inventé ni l’Abstrait, ni Dada, ni le surréalisme, ni même l’hypergraphie ou l’art infinitésimal, peuvent-ils sérieusement nous dire ce qu’il en est de l’art ?
M.H. – Tu sais, ici, l’art supporte une interrogation qui n’a pas fini d’être épuisée, et il est des questions qu’il vaut mieux ne pas poser..., là-bas, en termes diplomatiques, on dit que les critiques ne connaissent l’art qu’un peu.
W.R. – Ils parlent autour, mais cela, ils ne le savent pas ! 
M.H. – Et ça agace leur noème ! Quelques-uns seulement commencent à s’en douter. Jean-Luc Chalumeau, par exemple, rend compte de manière très explicite, dans son petit livre sur les « Théories de l’art », de l’incompréhension et du désarroi des philosophes et des critiques actuels devant l’art contemporain.
W.R. – Ils n’ont qu’a demander aux Enfants de la Créatique. Eux, ils savent !























Isidore Isou. Encre sur carte postale, 1969.

06 février 2006

27. LE RENDEZ-VOUS DU 6 FEVRIER 2006

M.H. – Tu sais...l’autre jour.... toi et moi...ce que nous avons fait...Hé bien, je crois que c’était très intéressant !
W.R. – Sans doute fais-tu allusion à la réinterprétation infinitésimale de l’œuvre de Marcel Duchamp que nous avons réalisée...
M.H. – Il s’agit bien de cela. J’ai pensé à quelque chose d’autre qui pourrait y ressembler...et je voudrais l’homologuer.
W.R. – Dis-moi vite de quoi il s’agit ! Je suis curieuse de la connaître.
M.H. – Pour cela, il faut que tu lises quelques lignes d’un texte, de Rimbaud, par exemple, n’importe quel extrait des « Illuminations ».
W.R.. – Je commence: « ...Je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m’ont précédé ; un musicien même, qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l’amour. A présent, gentilhomme d’une campagne aigre au ciel sobre, j’essaye de m’émouvoir au souvenir de l’enfance mendiante, de l’apprentissage ou de l’arrivée en sabots, des polémiques, des cinq ou six veuvages, et quelques noces où ma forte tête m’empêcha de monter au diapason des camarades. Je ne regrette pas ma vieille part de gaîté divine : l’air sobre de cette aigre campagne alimente fort activement mon atroce scepticisme. Mais comme ce scepticisme ne peut désormais être mis en œuvre, et que d’ailleurs je suis dévoué à un trouble nouveau, — j’attends de devenir un très méchant fou. » 
M.H. – A partir de cette lecture, je propose la réorganisation mentale de tous les mots qu’elle contient en quatre carrés juxtaposés de deux en deux à la fois en largeur et en hauteur. 
W.R. – Cela est très étrange ! c’est presque du ACC, ça !
M.H. –Ni étrange, ni ACC ! 
W.R. – Tu sais, moi, je ne suis pas compliquée ! Si tu me dis « New-York », je pense à GPB, si tu dis « Psi », je pense à JPG, « moléculaire », à FP, « créatique », à II, « concept, à RS, « durable », ça m’évoque VC, et si tu prononces le mot « carré », je pense à ACC.
M.H. – Bon, on va faire avec des rectangles ! C’est simplement une nouvelle réinterprétation d’un ready-made de 1915 que Marcel Duchamp a intitulé « Le rendez-vous du 6 février 1915 ».
W.R. – Ton œuvre est considérablement subtile, mais c’est tout de même dommage pour Rimbaud, sans compter qu’aujourd’hui nous sommes le 6 février 2006 et que nous avons, nous-mêmes, un rendez-vous important tout à l’heure, rue de Seine, à la JSC Gallery pour voir comment les choses sont.
M.H – La date n’est sans doute qu’une coïncidence !

05 février 2006

26. APRES LE JOUR DU GRAND SOIR

M.H. - Nous n’aurons pas vu le prétendu saint suaire du Christ à la cathédrale San Giovanni, ni le Palais Carignano où naquit Victor-Emmanuel II, ni le célèbre autoportrait de Léonard, jalousement conservé à la Bibliothèque royale, pas plus que la piazza Vittorio Veneto, chère à De Chirico..., ni, même, la maison de Nietzsche...
W.R. – Cela est vrai, mais j’ai tout de même aperçu la Mole Antonelliana dominant la ville, avec son grand Musée du cinéma qui conserve des témoignages rares sur les grands créateurs de l’art filmique. C’est là que nous avons retrouvé Carla Bertola et deux professeurs avant-gardistes, Anna Battaglia et Melita Cataldi, que nous avions rencontrés la veille au vernissage.
M.H. – Dis-moi! Ce que nous sommes en train de faire,... je veux dire notre mission sur cette structure participative, tu crois vraiment que c’est intéressant ?
W.R. – Intéressant, tu veux dire pour les gens?
M.H. – Oui, pour eux. Je crois qu’ils ne s’y intéressent pas, ils se contentent de participer.
W.R. – Mais, le nôtre ne rencontre aucune participation 
M.H. – Justement, ils participent d’une manière qui ne se voit pas, d’une façon qui ne nous est pas perceptible, par les moyens de nano-mécaniques.
W.R. – Je comprends maintenant pourquoi on ne les voit pas!
M.H. – Mais, pour toi, cette histoire moderne où tout est inventé et donné sur le mode du discours platonicien, c’est bien ou c’est mal ?
W.R. – Ce n’est ni bien ni mal.
M.H. - Alors, tu vois bien qu’il n’est pas nécessaire d’aller au-delà du bien et du mal et qu’il suffit de rester dans le meilleur.




























Turin, Place Carlo Alberto, maison de Nietzsche.

25. FAISONS COMME SI L’ARTISTE OCCUPAIT TOUJOURS CETTE CHAMBRE

W.R. – C’est lors de mon dernier passage à Turin que j’ai découvert cet Hôtel dont les chambres ont été conçues par des artistes différents. Cette fois-là, le hasard m’a fait choisir la chambre 28, celle dont j’ai découvert qu’elle avait été décorée par RS, c’était en 1991, il me semble...Elle s’appelle « La Présence ».
M.H. – Voici la 28. Rien n’a changé ! Toujours la même impression étrange, à la fois, troublante et rassurante. Tu vois, elle semble occupée. Près de la fenêtre, cette valise à l’intérieur de laquelle se trouvent différents objets !
W.R. – Ils appartiennent certainement à l’artiste. Je reconnais un de ses tableaux, quelques-uns de ses livres, son passeport... Oui, tout cela est à lui ! Ici des vêtements, et là, un dossier sur une œuvre nouvelle à laquelle il semble encore travailler.
M.H. – Regarde, sur la table de nuit est déposé, à côté de sa montre, de son agenda et d’un stylo, le livre qu’il est en train de lire !
W.R. – Peut-être est-il vraiment là ?
M.H. – Je ne sais pas ! Mais il est vrai que tout a été mis en œuvre pour nous en persuader. Dans la salle de bains, je vois son tee-shirt, et son imperméable se trouve encore dans la penderie !
W.R.- Ne touchons à rien ! Faisons comme si l’artiste occupait toujours cette chambre, même si nous savons qu’il ne l’occupe que dans le cadre d’une œuvre d’esthétique imaginaire dont nous sommes les spectatrices privilégiées...
M.H. – Autrement dit, il n’est dans cette chambre que dans la mesure où nous pensons qu’il s’y trouve. Nous devons imaginer sa présence !
W.R. – Oui, imaginons que l’artiste est bien présent dans cette pièce et concevons mentalement qu’il procède, sous nos yeux, à ses activités d’avant-garde dans les différents secteurs de la culture et de la vie
M.H. - Demain, avant de regagner les bords de la Seine, nous essaierons de retrouver le International Center of Aesthetic Research que Michel Tapié avait créé il y a bien longtemps. 
W.R. – C’est aussi pour cela que nous sommes ici !... Mais, dis-moi encore, es-tu bien certaine qu’il ne nous voit pas ?

24. ROMANZO DI UNA LETTRISTA : QUAND ACC FAIT SON ROMAN

W.R. – Le vernissage de ACC à la Galleria delle donne était très animé. Quelle soirée ! J’ai rarement vu un tel rassemblement de gens aussi progressistes. J’ai parlé longuement avec Mirella Bandini qui a écrit « Pour une histoire du lettrisme ». Elle m’a présenté Gérard Bermond, un historien que l’on ne voit que très rarement. 
M.H. — Je n’ai pas aperçu Sandro Ricaldone ! J’avais des questions à lui poser.
W.R. – Les visiteurs étaient trop nombreux, peut-être était-il là. Moi-même, je pensais revoir Achille Bonito Oliva que j’avais rencontré en 1993 à la Biennale de Venise où il avait donné une certaine place au groupe de l’avant-garde.
M.H. – Il m’a semblé apercevoir Roberto Peccolo, mais je n’en suis pas sûre. 
W.R. — Le débat entre Edda Melon et ACC était des plus passionnants. A chaque question les réponses de l’artiste ont fait mouche. C’est, à n’en pas douter, une femme qui a le sens.
M.H. – Je l’ai interrogée au sujet de notre Mission, elle m’a répondu qu’il fallait attendre.
W.R. — C’était très bien, chacun a dit un mot
M.H. – Oui, chacun a dit un mot; ça, c’est le plus important.
W.R. – « Romanzo di una lettrista », c’est un drôle de titre pour une exposition de peinture.
M.H — Ca renvoie à un discours autobiographique ! Des bouts de vie assemblés, quoi ! Et, ici, cet intime, il se supporte d’être dit par les moyens des super-signes qui sont tout autant à la prose qu’à la plastique. C’est la vie dans l’art, en quelque sorte, la vie comme simple sujet. 
W.R. — Par contre, au cours du vernissage et ailleurs, j’ai remarqué que l’on parlait souvent de « l’art dans la vie ».
M.H. – On en parle beaucoup, et pas qu’ici . 
W.R. — L’art dans la vie, sans doute, mais, pas plus ou autant que la Philosophie, les Sciences, la Théologie, les Techniques, dans la vie.
W.R. – En fait, la vie se résume à ce que l’on sait de ça !
M.H. – En voyant tous ces gens, ce soir j’ai pensé à Freud qui disait que « l’artiste donne forme belle au désir interdit, pour que chacun, en lui achetant son petit produit d’art, récompense et sanctionne son audace. »
W.R. – Alors, les gens de ce soir sont très audacieux ; mais, par ailleurs, tu sais bien que Freud ne s’intéressait qu’à la vie sans le savoir... 
M.H. – Bon, ACC, c’est assez ! et, sur cette allitération, nous allons rejoindre notre Hôtel.
W.R. – A ce niveau de perfection, c’est plus que de l’allitération, c’est de la musication ! 















Un bref instant du vernissage de l'exposition d'Anne-Catherine Caron à la Galleria delle donne de Turin. (Photo Anna Battaglia).

02 février 2006

23. POUR TOUT DIRE (OU PRESQUE)

M.H. – Depuis plusieurs jours, nous passons notre temps à réaliser des œuvres, mais nous n’avançons pas dans notre mission... Je ne te dis que ça !
W.R. – Tu sais, Il y a tant à faire et à dire! 
M.H. – Justement ! c’est pour ça qu’il faudrait nous en occuper...
W.R. - C’est beaucoup dire ! Enfin,... peut-être,... je ne sais pas,...probablement ......
M.H. – Je ne te le fais pas dire ! Mais, c’est pour ça que nous sommes ici. Et seulement pour ça ! Sans doute l’as-tu oublié !
W.R. – Ce n’est pas la peine de le dire... 
M.H. – Qu’as-tu à dire à cela ?...
W.R.. – Ce n’est pas pour dire, mais sans en être absolument sûre, il me semble que cela ne va pas sans dire.
M.H. – Mais, tout de même, tout cela, ça doit pouvoir se dire sans qu’il y ait à trouver à redire !
W.R. – Tout cela ne me dit rien. Tu sais, parfois, j’ose le dire, je me demande où cette histoire va nous mener.
M.H. – C’est toi qui le dis ! 
W.R. – Parfois, encore, je me dis en moi-même qu’elle ne se terminera jamais...
M.H. – Elle ne sera terminée que lorsque nous aurons tout dit !
W.R. – Ca, c’est vite dit ! Mais il nous faudra bien, un jour, sortir de l’anomalique.
M.H. – Certainement, mais, en attendant tout le monde aura compris que les visiteuses ne sont pas forcément marrantes. Es-tu consciente, qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas loin de n’avoir rien dit ?
W.R. – Pourtant, quelqu’un ne manquera pas d’y dénicher des sens cachés !
M.H. – Sans doute, mais à faire de l’exégèse, c’est lui, et non nous, qui prendra le risque de s’exposer ! 
W.R. -Il faut à présent nous préparer, nous partons demain pour Turin.